L’exposition aux Jardins de Gaïa, en place depuis le 03 janvier 2023 jusqu’au 25 février 2023, m’a permis de proposer entre autres une série de 10 tableaux olfactographiques. Ces derniers constituent le cœur de mes recherches artistiques actuelles sur les liens que je construis autour des arts plastiques, de l’art olfactif et des arts japonais (shodô, art de la calligraphie, et kôdô, art des encens) entre eux d’une part, et de la philosophie de l’esthétique d’autre part.
Selon Kant, l’agréable désigne ce qui plaît au sens dans la sensation ; le parfum entraîne une satisfaction qui naît de l’agréable, et ne peut donc, selon le philosophe, être qualifié de « beau ». Pour Kant, « est beau, ce qui plaît universellement sans concept »….
« Le goût est la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par l’intermédiaire de la satisfaction ou du déplaisir, de manière désintéressée. On appelle beau l’objet d’une telle satisfaction. » (Critique de la faculté de juger, Analytique du beau, §5).
« Par exemple, la rose que je vois, je déclare, par un jugement de goût, qu’elle est belle. Au contraire, le jugement qui procède de la comparaison de nombreux jugements singuliers : « les roses en général sont belles », n’est plus énoncé simplement comme un jugement esthétique mais il est énoncé comme un jugement logique fondé sur un jugement esthétique. Quant au jugement : « la rose est (par son parfum) agréable », c’est certes aussi un jugement esthétique et singulier, mais ce n’est pas un jugement de goût: c’est un jugement des sens. Il se distingue du premier en ceci que le jugement de goût contient une quantité esthétique d’universalité, c’est-à-dire de validité pour chacun, que l’on ne peut rencontrer dans un jugement sur l’agréable ». (Critique de la faculté de juger, Analytique du beau, §8).
On peut remarquer (et extrapoler) ici, que Kant dissocie, dans son exemple du jugement esthétique d’une rose (ou par extension de sa représentation), l’aspect graphique, relevant du beau universel, de l’aspect olfactif, relevant de l’agréable subjectif. C’est sur ce fondement du jugement esthétique selon Kant que j’ai créé cette première série de pièces. Je vais même jusqu’à décomposer l’esthétique graphique en dissociant la forme et la couleur. Finalement, je réunis ces trois dimensions de l’esthétique kantienne dans une pièce unique, où le parfum est une composante à part entière et indissociable de l’œuvre au même titre que le trait et la couleur.
Chaque pièce est une représentation olfactographique personnelle de matières premières de la parfumerie et des encens japonais : encre de Chine, crayons de couleurs, or 22 carats en feuilles sur papier, 42×30.
Le travail est aussi animé par une variation comparative, d’abord sur la courbe imparfaite (tracée au perroquet) et la courbe parfaite, le cercle (tracé au compas), puis sur le grain du crayon de couleur versus la pureté de la couleur et la brillance de l’or, et enfin sur les huiles essentielles naturelles versus les bases de parfumerie et les composés de synthèse. La calligraphie japonaise (kô, le parfum) unifie l’ensemble dans sa dimension mystérieuse et impalpable…
