Enluminure

Cet article est consacré à l’enluminure et à sa réalisation pas-à-pas.

Enluminure, du latin illuminare, rendre lumineux. Il s’agit de décor peint ou dessiné, qui orne un texte manuscrit.

L’enluminure est généralement réalisée sur parchemin véritable. Comme il s’agit d’un support rare et de très haute qualité, les éléments utilisés pour peindre se doivent d’être également de haute qualité  : dorure à la feuille d’or véritable, pigments rares (lapis-lazuli, etc…).

1. Le Parchemin

Il s’agit du support privilégié pour les enluminures et les manuscrits et est utilisé fréquemment depuis le IV ème siècle de notre ère (auparavant le support de l’écriture principal était le papyrus). Du grec pergamênê, peau apprêtée à Pergame (actuelle Pergame en Turquie). Il s’agit du derme d’une peau animale, imperméabilisée afin de la rendre propre à l’écriture. Il peut s’agir de peau de mouton, de chèvre, de veau. L’un des parchemin les plus précieux est le vélin, qui est issu de veau mort-né.

Le parchemin est habituellement blanc, légèrement crème ou jaune. La peau subit un traitement identique aux peaux consacrées au cuir, à la différence que pour ce dernier, la peau subit un tannage (végétal ou chimique). Brièvement, le parchemin doit passer par un traitement chimique à la chaux vive avant d’être poncé et blanchit à l’aide de craie.

Pour certains parchemins très particuliers, ceux utilisés notamment dans des livres appelées « heures » (bréviaires à l’usage privé des laïcs qui consistent en compilation de toutes les prières de l’office des diverses heures du jour (hormis la messe)), ils subissent un traitement ferro-gallique, permettant l’obtention d’un parchemin noir.

Exemple  de parchemin noir : Les Heures Noires de Charles le Téméraire.

La technique consiste donc à noircir le parchemin à l’aide l’encre ferro-gallique traditionelle. C’est également cette encre qui est utilisée pour toutes les calligraphies sur parchemin.

 

2. L’encre

L’encre utilisée est de l’encre ferro-gallique. Il s’agit de l’encre utilisée depuis le Moyen-Age jusqu’au XIXème siècle. Elle fabriquée à partir d’une macération de noix de galle (galle du chêne, qui apparaît suite au parasitage du chêne par un insecte particulier), à laquelle est ajouté du sulfate de fer. Ce dernier précipite, et constitue l’encre. Elle a la particularité d’être assez claire lors de l’application mais noircit très rapidement en séchant. Le noir obtenu est très variable suivant la recette, mais, en général il est très profond, violacé et velouté. Cette encre est très différente de l’encre de Chine qui contient notamment de la colle de poisson ou de la laque qui la rend très visqueuse et brillante. Par ailleurs dans cette dernière, le noir est en général du noir de carbone.

L’encre ferro-gallique, extrêmement persistante (elle reste intacte pendant des siècles), est très corrosive, ce qui explique que certains manuscrits très anciens se détruisent irrémédiablement (c’est le cas par exemple des partitions de J-S BACH…). Les parchemins noirs sont donc extrêmement rares car le traitement complet du parchemin le rend très fragile et seuls certains manuscrits ont pu nous parvenir en bon état de conservation.

3. L’assiette à dorer

Le support privilégié de l’or à dorure est l’assiette à dorer. Elle est constituée de bol d’Arménie (argile rouge), de sucre cristallisé, de blanc de Meudon (pigment blanc), de blanc de plomb et de colle de poisson. La couleur rouge du bol d’Arménie permet de rendre l’or encore plus profond et éclatant. La colle de poisson permet la fixation de l’or après être réhumidifiée (par action d’un souffle humide à l’aide d’un tube sur l’assiette à dorer).

4. L’or

L’or à dorer peut se présenter sous plusieurs formes :

  • or adhérent : il s’agit de feuilles d’or (extrêmement fines) adhérentes à une feuille de papier de soie ; il s’agit de la forme la plus simple à utiliser.
  • or libre : les feuilles d’or sont, cette fois, libres. Il est alors nécessaire de les transférer sur un coussin à dorer (en cuir nubuck ou cuir velours), découpée à l’aide d’un couteau spécial, et déposées sur l’assiette à dorer à l’aide d’un pinceau spécifique en poils de petit gris (poils d’écureuil)
  • or en coquille : petite pastille contenant de l’or en poudre agglomérée avec de la gomme arabique ; il s’emploie comme une aquarelle. Il est principalement utilisé pour des retouches ou des petites surfaces.

L’or en feuille existe en plusieurs couleurs : jaune, citron, rose, rouge, vert, blanc, pour la plupart entre 14 et 24 carats.

5. Une enluminure , en pas-à-pas

5.1 Dessin au crayon sur le parchemin

Dessin

5.2 Assiette à dorer (appelé également gesso)

 

5.3 Dorure à la feuille

dorure à la feuille

Lorsque l’or est appliqué sur de l’assiette à dorer, il convient de « brunir » l’or avec un outil spécifique : le brunissoir en agate. Au préalable, une fois l’assiette complètement sèche et durcie, cette dernière est frottée avec un papier abrasif afin d’en réduire les aspérités. Un air chaud et humide (on souffle dessus avec un tube) est appliquée afin de ré-humidifier l’assiette et rendre collant le gesso. La feuille peut alors est déposée. Une fois la dorure terminée, l’or peut être brunit (à l’aide d’un brunissoir en agate) et lustré (soie).

 

5.4 Encrage

Réalisé à l’encre ferro-gallique

encrage

5.5 Mise en couleur

Les couleurs sont ici préparées en tempera à l’œuf. Cela consiste à broyer les pigments avec du jaune d’œuf comme liant, sur une plaque de verre dépoli à l’aide d’une molette (en verre dépoli également). Parmi les pigments utilisés, le lapis-lazuli est classiquement utilisé pour le bleu outre-mer. Ce pigment rare et cher est aujourd’hui remplacé par des pigments chimiques. Le bleu clair peut être produit par de l’azurite ; la malachite donne le vert, le cinabre, le rouge vermillon. L’orpiment et le réalgar peuvent remplacer l’or pour certaines parties.

 

5.6 Enluminure finalisée (ajout des éléments calligraphiques)

Il s’agit ici d’une enluminure librement inspirée du Graduel de Saint-Dié. Le graduel ou antiphonaire (livre de chant grégorien) aurait été réalisé à Saint-Dié-des-Vosges entre 1505 et 1515. L’ouvrage, monumental par ses dimensions (0,75 mètres de haut, 0,54 mètres de large) et son poids (53 kg), comporte 361 feuillets (ou folios) illustrés de bordures, de décors, de lettrines richement décorées (c’est l’origine de la présente enluminure). La reliure date quant à elle du XVIIIe siècle et réunit deux ouvrages originellement distincts.

graduel finale

Autre exemple d’enluminure, sur parchemin noir cette fois. Il s’agit d’une représentation médiévale de Satan. Or vert 18 carats et encre ferrogallique, encre blanche (blanc de titane) et rouge (vermillon).

Satan finale

D’autres exemples de calligraphies et enluminures réalisée par mes soins :

Un extrait des Carmina Burana, Ave formisissima. Or jaune 18 carats, aquarelle vert émeraude veritable et encre ferrogallique.

carmina burana.jpg

L’anneau unique du Seigneur des Anneaux (écriture calligraphique en caractères tengwar elfiques, langue en noir-parlé du Mordor, inventée par Tolkien). Or citron 22 carats, aquarelle et encre ferrogallique.

Anneau unique

Une réflexion sur “Enluminure

  1. Bonsoir Jean Martin Ton document sur l enluminure nous a beaucoup intéressés C est très instructif et clair ; ainsi nous pouvons encore mieux apprécier tes réalisations qui nous ont « scotché « c est vraiment très , très beau « On comprend mieux ta passion lorsque l on voit de tels résultats ! C’est super bien !

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